Twenty-seventh of January

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  • Les règles (ou la menstruation) sont sûrement le phénomène le plus connu du cycle menstruel féminin, car elles en sont la seule manifestation visible. Mais le cycle menstruel comprend bien d’autres phénomènes qui sont pour la plupart d’entre eux imperceptibles, et qui ne se produisent pas seulement au niveau de l’utérus. Si vous souhaitez en savoir davantage, cet article présente un aperçu de ce qu’il se passe dans le corps au cours du cycle menstruel féminin.

    Qu’est-ce que le cycle menstruel ?

    Le cycle menstruel fait référence au cycle reproductif féminin et englobe une série de changements physiologiques préparant le corps de la femme à une éventuelle grossesse. Dans la vie d’une femme, il commence à la puberté et se termine à la ménopause. Son nom laisse penser qu’il s’organise autour de la menstruation (ou plus communément, les règles), dont le premier jour commence un nouveau cycle ; mais les règles sont loin d’être l’évènement central du cycle : en effet, on verra que celui-ci comporte plusieurs phases qui ont chacune leur importance. 

    La durée moyenne d’un cycle est de 28 jours : il dure généralement entre 25 et 30 jours, même s’il est possible qu’il soit plus court ou plus long – la durée varie d’une femme à l’autre, mais aussi de cycle en cycle chez une même femme.

    Le mot « menstruel » vient du latin mensis, qui signifie « mois » : en effet, la durée d’un cycle menstruel correspond à peu près à la durée d’un mois lunaire (c’est-à-dire 29.5 jours). Il a été proposé que cette similarité serait loin d’être une coïncidence, et que le cycle féminin aurait évolué pour s’ajuster sur celui de la lune. En revanche, les recherches scientifiques se contredisent quant à une éventuelle connexion entre cycle menstruel et lunaire.

    Les différents changements observés sont cycliques : ils reviennent donc périodiquement (environ tous les mois, donc), mais pas forcément régulièrement ; le terme d’un cycle marque le retour d’un autre. Au cours du cycle, les changements hormonaux entraînent des changements physiologiques, mais également des changements au niveau psychologique et comportemental, en influençant par exemple notre façon de penser ou d’agir.

    Cet article présente dans un premier temps les différents organes impliqués dans le fonctionnement du cycle, ainsi que le rôle des hormones que ces organes produisent. Il décrit ensuite les différentes phases du cycle menstruel, ou comment se succèdent les différents phénomènes du cycle. La dernière partie se penche sur l’importance, en tant que femme, de connaître son cycle menstruel.

    L’axe gonadotrope et le rôle des hormones

    Les différentes phases du cycle se succèdent périodiquement – mais cette succession n’est pas programmée. Alors, comment s’explique que les différentes phases s’enchaînent invariablement dans un ordre précis ? Le cycle menstruel est en fait régulé par des hormones, des substances chimiques qui agissent comme des messagers : elles sont sécrétées par différents organes (qui font partie du système endocrinien) puis sont diffusées dans le sang, pour ensuite agir sur l’activité d’autres organes. En transmettant un message chimique, une hormone stimule un organe pour exécuter une action. Leur rôle est donc de coordonner les activités de l’organisme.

    Les hormones impliquées dans la reproduction sont sécrétées par différents organes :

    • L’hypothalamus, une partie du cerveau qui est située à sa base et dont les fonctions régulatrices sont essentielles à la survie et la reproduction. Il régule notamment la température du corps, la faim et la soif, le rythme circadien, les comportements sexuels ou encore le stress (en tant que mécanisme de réponse) ;
    • L’hypophyse (appelé aussi glande pituitaire), une glande endocrine (c’est-à-dire qui sécrète des hormones dans le sang). Elle est située sous l’hypothalamus, auquel elle est reliée par la tige hypophysaire (ou tige pituitaire) : on parle alors de complexe hypothalamo-hypophysaire ;
    • Les ovaires, au nombre de deux, situés de chaque côté de l’utérus à l’extrémité des trompes de Fallope. Ce sont les gonades femelles (alors que les testicules, leurs homologues, sont les gonades masculines).

    Ces organes forment l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien – ou plus brièvement, l’axe gonadotrope. Ils assument une fonction précise dans le déroulement du cycle, et communiquent par le biais des hormones qu’ils sécrètent. En bref (mais on reviendra plus en détail sur ces interactions) : (1) l’hypothalamus sécrète la GnRH (soit l’hormone de libération des gonadotrophines hypophysaires, de l’anglais Gonadotropin Releasing Hormone), qui est libérée dans la circulation sanguine et stimule (2) l’hypophyse pour produire les hormones gonadotropes (on parle aussi des gonadotropines ou gonadotrophines) : la LH (de l’anglais luteinizing hormone, ou hormone lutéinisante), et en plus faible quantité, la FSH (follicle-stimulating hormone, ou hormone folliculo-stimulante). Ces deux hormones sont dites gonadotropes car elles sont en fait produites par les (cellules) gonadotropes de l’antéhypophyse (le lobe antérieur de l’hypophyse). La GnRH, produite par l’hypothalamus, contrôle donc l’activité de sécrétion des cellules gonadotropes de l’antéhypophyse (et contrôle la sécrétion de LH et FSH). Enfin, les gonadotrophines (la LH et la FSH) stimulent à leur tour (3) les ovaires, qui eux sécrètent les principales hormones sexuelles : l’œstrogène[1] et la progestérone (ce sont des hormones stéroïdiennes, dérivées du cholestérol). Les gonadotrophines régulent donc l’activité ovarienne.

    Pour résumer de manière plus succincte encore : (1) sécrétée par l’hypothalamus, la GnRH stimule (2) l’hypophyse pour sécréter les gonadotrophines (FSH et LH), qui à leur tour stimulent (3) les ovaires pour sécréter les hormones sexuelles : l’œstrogène (qui, on le verra, régule elle-même la sécrétion de la GnRH… bouclant ainsi la boucle) et la progestérone.

    Soit (ou ↓ = stimule / influence l’activité ; et → = sécrète(nt)) :

    Ces hormones sont diffusées dans le sang de manière continue : l’hypophyse et les ovaires sont donc constamment stimulés pour produire des hormones. En revanche, elles sont produites en plus ou moins large quantité selon la phase du cycle, et des taux plus ou moins bas ou élevés, on le verra plus tard, n’envoient pas les mêmes signaux aux organes qui les reçoivent. Par exemple, le taux de FSH n’est pas constant au cours du cycle, et sa concentration dans le sang ne transmets pas le même message aux ovaires lorsqu’elle est haute et lorsqu’elle est plus faible (souvenez-vous que les hormones agissent comme des messagers).

    En influençant l’activité de différents organes, les hormones présentées plus haut (GnRH, LH, FSH, œstrogène et progestérone) régulent ainsi le cycle menstruel, et jouent un rôle crucial dans la succession des différents phénomènes impliqués au cours du cycle. Le rôle particulier de chacune de ces hormones ainsi que leur interaction sont détaillés dans la partie qui suit, dans les différentes phases du cycle menstruel.

    Pour résumer brièvement : les gonadotrophines (LH et FSH) permettent la maturation des follicules et des ovocytes, puis l’ovulation ; tandis que les hormones sexuelles (œstrogène et progestérone) entraînent des modifications de l’utérus (et plus particulièrement de l’endomètre). Nous verrons également comment les hormones sexuelles agissent sur le complexe hypothalamo-hypophysaire pour réguler le cycle, par un processus de rétrocontrôle.

    Les différentes phases du cycle menstruel

    Un cycle menstruel se divise en deux phases[2]. La première phase du cycle est la phase folliculaire. Elle commence au premier jour des règles (soit au premier jour du cycle) et dure jusqu’à l’ovulation, qui arrive en milieu de cycle ou environ 14 jours avant le début du prochain cycle. La deuxième phase du cycle est la phase lutéale, qui suit l’ovulation et s’étend jusqu’à l’apparition des prochaines règles, qui commencent alors un nouveau cycle. Chacune des deux phases a un objectif précis en termes de reproduction : la phase folliculaire correspond à une phase de conception, tandis que la phase lutéale correspond à une phase d’implantation.

    Cette partie donne un aperçu des changements hormonaux qui interviennent au cours de ces deux phases, et ce qu’ils impliquent concernant l’activité des organes impliqués dans le cycle menstruel, notamment les ovaires et l’utérus. Avant d’explorer ces changements, une brève description de ces organes s’impose :

    • Les ovaires : Comme nous l’avons vu, ce sont les gonades femelles. Contenus dans les ovaires, les follicules sont des petits sacs qui contiennent chacun un ovocyte. Ils ne sont pas produits à chaque cycle mais sont formés in utero : une femme naît donc avec une réserve limitée de follicules, et donc d’ovocytes (de 1 à 2 millions, dont environ 25% auront survécu lorsqu’une femme atteint la puberté). Les follicules se développent progressivement lors d’un processus appelé folliculogénèse, un processus très sélectif qui contient différents stades de développement aboutissant à la maturation d’un follicule. Dès qu’une femme est un fœtus, un groupe de follicules est sélectionné quotidiennement et commence à se développer, et ce jusqu’à la ménopause. Cependant, avant la puberté, ces follicules ne peuvent franchir un certain seuil de développement : c’est au cours des phases folliculaires, sous l’influence des hormones gonadotropes (et en particulier, la FSH), que les follicules poursuivent leur développement, de manière cyclique. De manière générale, un seul follicule atteint à chaque cycle la phase ultime de développement : le follicule de De Graaf, celui duquel sera expulsé l’ovocyte lors de l’ovulation. À chaque phase de développement, la vaste majorité des follicules est donc vouée à mourir : on parle d’atrésie folliculaire. Ainsi, la réserve de follicules d’une femme diminue de jour en jour. Les ovocytes sont produits par les ovaires et sont contenus dans les follicules : on trouve un ovocyte par follicule. Ce sont les cellules reproductrices chez la femme, ou gamètes femelles (leurs homologues mâles sont les spermatozoïdes). Lors de l’ovulation, l’ovocyte est expulsé du follicule mûr. Certains évoluent en ovules, qui sont des ovocytes mûrs. La fécondation est la fusion entre le gamète mâle (spermatozoïde) et le gamète femelle (à ce stade, ovule).
    • L’utérus : situé au-dessus du vagin, il contient la cavité utérine, destinée à accueillir l’embryon lors d’une grossesse. Il est relié aux ovaires, situés de part et d’autre de l’utérus, par les tubes utérins (trompes de Fallope). L’endomètre est la muqueuse qui tapisse la cavité utérine : c’est la paroi de l’utérus. L’endomètre est constitué de deux couches : la couche fonctionnelle (stratum functionalis), qui est la couche superficielle, et la couche basale, située sous la couche fonctionnelle, adjacente au myomètre (muscle utérin). La morphologie de la couche fonctionnelle évolue sous l’effet des changements hormonaux au cours du cycle : on parle de cycle utérin.

    Pour décrire les modifications des activités de ces organes provoquées par les hormones, on distinguera par la suite le cycle ovarien du cycle utérin.

    La phase folliculaire, qui précède l’ovulation,est appelée ainsi car c’est pendant cette phase que les follicules se développent. Elle s’étend du premier jour des règles jusqu’à l’ovulation.

    Au premier jour du cycle, certains follicules (que l’on appelle follicules tertiaires) sont déjà à un stade de développement avancé. Parmi eux, un petit groupe va poursuivre son développement, sous l’effet de la FSH (d’où son nom follicle-stimulating hormone) et de la LH (la concentration dans le sang de ces hormones augmente autour des premiers jours de la phase folliculaire, stimulant ainsi le développement folliculaire). Parmi ce petit groupe, un seul follicule (dans un seul ovaire) arrivera à maturation : ce follicule dominant, appelé follicule de De Graaf, est celui qui va expulser l’ovocyte lors de l’ovulation.

    Mais avant cela : dans chacun des ovaires, les follicules les plus larges sécrètent de l’œstrogène, l’hormone dominante de la phase folliculaire. Plus les follicules grossissent, plus ils produisent d’œstrogène (surtout le follicule dominant) : quelques jours après le début du cycle (à la suite des règles), le taux d’œstrogène augmente donc de façon continue, jusqu’à atteindre un pic juste avant l’ovulation.

    Ce pic d’œstrogène est suivi d’un pic de LH (sous 24 à 48 heures), dont la concentration culmine encore bien plus haut que celle d’œstrogène, puis chute rapidement. Ce pic de LH, qui dure environ 36h, agit sur les cellules folliculaires et provoque l’ovulation de l’ovocyte contenu dans le follicule le plus large, environ 9 à 12 heures après que la LH ait atteint sa concentration la plus élevée. Le pic de LH est également accompagné d’un pic de FSH (cependant bien plus bas en comparaison), qui atteint alors aussi son taux le plus élevé.

    Juste avant l’ovulation (à la fin de la phase folliculaire), le follicule mûr freine sa production d’œstrogène et, sous l’influence du pic de LH, commence à produire de la progestérone : on observe donc une baisse d’œstrogène suivie d’une hausse de progestérone, dont la concentration était jusqu’ici assez basse. Cette baisse d’œstrogène peut provoquer un léger saignement utérin lors de l’ovulation.

    Nous nous intéressons ici aux activités des ovaires pendant la phase folliculaire, qui se font sous l’influence des gonadotrophines (FSH et LH). Il est donc intéressant de se demander ce qui explique les variations de ces deux hormones durant cette phase. Avant d’y répondre, récapitulons : nous avons vu que l’hypothalamus (dans le cerveau) sécrète la GnRH, une hormone qui régule la production des gonadotrophines (par l’hypophyse). Ces dernières stimulent les ovaires dans le but de développer les follicules, qui produisent de l’œstrogène. L’hypothalamus et l’hypophyse (qu’on appelle le complexe hypothalamo-hypophysaire) coordonnent donc l’activité des ovaires.

    De façon réciproque, l’œstrogène régule la production de GnRH, agissant ainsi indirectement sur la production des gonadotrophines : il y a donc un effet de rétrocontrôle (c’est-à-dire une autorégulation), puisque les ovaires agissent également sur le complexe hypothalamo-hypophysaire. En effet, en fonction de sa concentration dans le sang, l’œstrogène va exercer soit un rétrocontrôle positif soit un rétrocontrôle négatif sur la production de GnRH (en la stimulant ou en la freinant, respectivement) et des gonadotrophines :

    • En tout début de cycle, la concentration d’œstrogène est assez faible : l’hypothalamus comprend donc qu’un nouveau cycle commence, et sécrète la GnRH, qui va à son tour stimuler l’hypophyse pour sécréter la FSH. En d’autres termes, rien ne signale à l’hypothalamus de freiner sa production de GnRH : c’est donc l’absence d’un rétrocontrôle négatif qui explique la hausse de GnRH et de FSH ;
    • En milieu de phase folliculaire, l’œstrogène atteint une concentration modérément haute et exerce un rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de GnRH (c’est-à-dire qu’elle entraîne une baisse de la production de GnRH) : par conséquent, la production de FSH est à son tour freinée, et sa concentration dans le sang commence à diminuer.
    • Dans les derniers jours de la phase folliculaire, la concentration d’œstrogène est très haute (car sécrétée par plusieurs follicules dans chaque ovaire, et surtout par le follicule dominant) et dans ce cas de figure, elle exerce cette fois-ci un rétrocontrôle positif : la sécrétion de GnRH est stimulée, provoquant le pic de LH (et dans une moindre mesure, de FSH) en stimulant l’hypophyse.

    En résumé, une concentration modérée d’œstrogène contraint l’hypothalamus à réduire sa production de GnRH par un processus de rétrocontrôle négatif, alors qu’une haute concentration (juste avant l’ovulation) en stimule la production, par un processus de rétrocontrôle positif. Dans le premier cas de figure, une baisse de GnRH mène à une baisse de FSH ; dans le second, une hausse de GnRH mène à une hausse de LH.

    L’axe gonadotrope régule donc toutes les activités des organes impliqués par le biais d’un processus de rétrocontrôle. Ces organes réagissent différemment à des concentrations spécifiques d’hormones, qui leur permettent de savoir où le cycle en est, et leur rôle à ce moment précis.

    Le premier jour des règles marque le début de la phase folliculaire. Lors de la menstruation, la couche fonctionnelle (c’est-à-dire la couche superficielle) de l’endomètre se désintègre (s’il n’y a pas eu de fécondation) et est évacuée par le vagin. Cet écoulement (les règles) se compose de sang, de mucus cervical et de sécrétions vaginales[3].

    À la suite des règles, l’endomètre se reconstruit. La hausse constante d’œstrogène (sécrétée par les follicules les plus larges) entraîne l’épaississement de la couche fonctionnelle, qui se prépare alors à une éventuelle grossesse. C’est la phase proliférative de l’endomètre. Le rôle de l’œstrogène pendant la phase folliculaire est également de modifier la texture de la glaire cervicale (présente au niveau du col de l’utérus), pour en faire un environnement plus « hospitalier » pour d’éventuels « invités » : les spermatozoïdes. 

    • Hormone dominante : œstrogène ;
    • Cycle ovarien : hausse de FSH/LH → développement des follicules tertiaires, dont un seul arrivera à maturation : le follicule de De Graaf ; maturation d’un ovocyte, qui sera libéré du follicule mûr ;
    • Cycle utérin : hausse d’œstrogène (sécrété par les follicules) → épaississement de (la couche fonctionnelle de) l’endomètre (phase proliférative).

    Comme nous l’avons vu, à chaque cycle, un groupe follicules (tertiaires) poursuit son développement. Seulement l’un d’eux arrivera à maturation. Lors de l’ovulation, ce follicule mûr (ou follicule de De Graaf) se rompt et l’ovocyte qu’il contient est libéré dans la trompe utérine. C’est un évènement important en termes de reproduction car une fois libéré, cet ovocyte pourra être fécondé.

    Pour rappel, l’ovulation est déclenchée par une forte hausse du taux de LH (et dans une moindre mesure, de FSH).

    La phase lutéale suit l’ovulation. L’ovocyte expulsé se déplace dans les tubes utérins vers la cavité utérine. Il peut être fécondé pendant 24 heures après l’ovulation, et le corps se prépare à cette possibilité. S’il n’est pas fécondé, il se désintègre et s’écoule avec les règles. S’il y a fécondation et que l’embryon s’implante dans l’endomètre (phénomène appelé nidation), le cycle menstruel est mis en pause.

    La phase lutéale doit son nom au phénomène de lutéinisation, c’est-à-dire le processus au cours duquel les cellules du follicule dominant se transforment en cellules lutéiniques (qui sécrètent des lutéines, pigments jaunes), après l’ovulation.

    Alors que la durée de la phase folliculaire est variable, la phase lutéale, elle, l’est moins et s’étend habituellement sur 14 jours. Cela signifie que l’ovulation a généralement lieu 14 jours avant le début des règles.

    Après avoir expulsé l’ovocyte, le follicule rompu se transforme en corps jaune (aussi appelé corpus luteum) – sa couleur venant des cellules lutéiniques.

    L’hormone dominante de cette phase est la progestérone. Sa concentration augmente progressivement quelques jours avant l’ovulation, et ce jusqu’au milieu de la phase lutéale : avant l’ovulation (en fin de phase folliculaire), nous avons vu que le follicule mûr commence à en produire ; après l’ovulation, le corps jaune continue à en sécréter (il sécrète également de l’œstrogène mais de manière plus modérée). Ces deux hormones sexuelles permettent de préparer l’utérus à accueillir l’embryon, en maintenant l’endomètre.

    S’il y a nidation, le corps jaune se maintient et continue à sécréter de la progestérone pendant les premiers mois de la grossesse (jusqu’à ce que le placenta prenne la relève). En revanche, si l’ovocyte n’est pas fécondé, le corps jaune s’affaiblit (on dit qu’il « dégénère »), avant de mourir. La concentration des hormones sexuelles, qui jusqu’ici maintenaient l’endomètre, diminue, causant le détachement de ce dernier (les règles).

    Souvenez-vous que lors de la phase folliculaire, l’œstrogène (qui est alors l’hormone dominante) régule la production de GnRH et indirectement, des gonadotrophines (FSH et LH), par un processus de rétrocontrôle (positif ou négatif, en fonction de sa concentration dans le sang). Lors de la phase lutéale, la progestérone (hormone dominante de cette phase) exerce, elle, un rétrocontrôle négatif sur le complexe hypothalamo-hypophysaire, en inhibant la production de FSH et de LH. Leur concentration dans le sang est donc relativement basse, et le développement folliculaire est donc restreint durant cette phase. La faible concentration de FSH s’explique également par la présence d’une hormone sécrétée par les ovaires (appelée « inhibine »), dont le taux culmine lors de la phase lutéale et dont le rôle est d’inhiber la production de FSH.

    Soulignons que la sécrétion de FSH et de LH dépend du ratio entre les hormones sexuelles. Vers la fin de la phase folliculaire, le pic de LH a lieu lorsque la concentration d’œstrogène est beaucoup plus haute que celle de progestérone (rétrocontrôle positif). À l’inverse, lors de la phase lutéale, la sécrétion des gonadotrophines est inhibée lorsque la concentration de progestérone est plus haute que celle d’œstrogène (rétrocontrôle négatif). Lorsque la concentration d’œstrogène et de progestérone décline en fin de phase lutéale (quelques jours avant le début des règles), la sécrétion de GnRH n’est plus inhibée (absence de rétrocontrôle négatif) et un nouveau cycle commence.

    Les hormones sexuelles agissent également sur d’autres organes que ceux de l’axe gonadotrope. Environ une semaine avant le début des règles, chez certaines femmes la poitrine grossit et est plus sensible : ceci est dû à une haute concentration d’œstrogène et de progestérone, qui provoque division cellulaire et œdème du tissu mammaire.

    Pendant la phase folliculaire, à la fin des règles, la couche fonctionnelle de l’utérus commence à s’épaissir sous l’effet de l’œstrogène, sécrété par les ovaires. La physiologie de la couche fonctionnelle durant la phase lutéale change sous l’effet de la progestérone (et dans une moindre mesure, de l’œstrogène), sécrétée par le corps jaune, en vue de l’implantation d’un embryon. L’endomètre devient épais et spongieux, se préparant à une éventuelle nidation. Ses glandes sécrètent des nutriments qui seront absorbés par l’embryon en cas de conception : le cycle utérin entre dans sa phase sécrétoire.

    S’il n’y a pas eu de fécondation, le corps jaune s’atrophie, et la sécrétion d’œstrogène et de progestérone diminue donc, provoquant ainsi la menstruation – la désintégration de la couche fonctionnelle de l’endomètre. Cet écoulement est aidé par les contractions du myomètre (muscle utérin qui se contracte lors de l’accouchement, adjacent à la couche basale de l’endomètre), qui elles, seraient causées par la présence de prostaglandines dans les règles.

    • Hormone dominante : progestérone ;
    • Cycle ovarien : formation du corps jaune ; maintien (si nidation) ou dégénérescence du corps jaune ;
    • Cycle utérin : hausse d’œstrogène et de progestérone (sécrétés par le corps jaune) ; endomètre se préparant à une éventuelle nidation (phase sécrétoire de l’endomètre).

    Sur l’intérêt de connaître son cycle

    Savoir comment fonctionne notre corps peut nous apporter des clés précieuses pour améliorer notre qualité de vie ou répondre à des besoins précis. En tant que femme, comprendre son cycle est un atout pour diverses raisons, en fonction de nos intérêts et objectif : que l’on veuille en savoir pourquoi l’on a ses règles, pourquoi elles reviennent tous les mois, de quoi elles sont composées, que l’on s’intéresse plus généralement à ce qu’il se passe dans notre corps de façon cyclique lorsque l’on est une femme, que l’on veuille optimiser ses chances de concevoir un enfant… Connaître son cycle, reconnaître où nous en sommes précisément peut aussi nous donner des informations précieuses sur nous-mêmes, notre identité. J’aimerais aborder ici, encore une fois, le rôle crucial des hormones au fil du cycle, en nous focalisant cette fois sur l’influence qu’elles ont non pas sur nos organes, mais sur notre identité. Il s’agit simplement ici d’une brève présentation du sujet, qui mérite son propre article (c’est en projet !).

    Alors comment nos hormones (nous nous intéressons ici aux hormones sexuelles : œstrogène et progestérone) peuvent-elles influencer qui nous sommes ? Puisqu’elles régulent simultanément les activités de plusieurs organes dans notre corps (et pas seulement ceux impliqués dans le cycle menstruel), elles ont aussi une influence sur plusieurs aspects qui constituent notre identité, par exemple : notre psychologie, notre façon de penser, ce que nous ressentons, nos comportements, ou encore notre apparence.

    Et puisque nos hormones changent de façon cyclique, et aussi de manière prévisible, notre identité change également, de façon régulière et prévisible, en fonction d’où nous en sommes dans notre cycle. Particulièrement, notre identité est influencée par l’hormone sexuelle qui est dominante au cours de chaque phase du cycle. On peut ainsi voir deux « versions » de cette identité : une sous l’influence d’œstrogène (hormone dominante de la phase folliculaire), et l’autre sous l’influence de la progestérone (hormone dominante de la phase lutéale).

    Cela ne signifie pas nécessairement que nous subissons nos changements hormonaux. Une façon de voir les choses est que loin de nous contrôler, nos hormones participent plutôt à définir notre identité ; une identité qui fluctue en fonction de la phase du cycle dans laquelle nous nous trouvons.

    Lors de la phase folliculaire, le rôle de l’œstrogène est de coordonner les activités liées à la conception – durant cette phase du cycle, cette hormone influence donc nos comportements de façon à ce que les activités liées à la conception soient facilitées. Lors de la phase lutéale, la progestérone a pour rôle de réguler les activités en lien avec l’implantation (potentielle d’un embryon) – durant cette phase du cycle, la progestérone influence nos comportements de façon à ce que les activités liées à l’implantation (et une éventuelle grossesse) soient encouragées. Donc : chacune de ces hormones promeuvent des comportements liés soit à la conception (œstrogène), soit à l’implantation (progestérone)… Et on peut facilement imaginer comment les activités en question diffèrent dans chacune des deux phases ! De nombreuses études ont documenté ces activités et leur évolution au cours du cycle, mais elles recensent également des changements liés à l’humeur, aux capacités cognitives, au rythme circadien, ou encore au sommeil.

    D’une part, lorsque la concentration d’œstrogène est haute (deuxième moitié de la phase folliculaire), les études montrent que les femmes sont globalement de meilleure humeur que lors de leur phase lutéale. Elles ont également tendance à avoir plus d’énergie, plus de confiance en elles, ainsi qu’une meilleure estime d’elles-mêmes. Par ailleurs, une corrélation a été démontrée entre une hausse du désir sexuel et une haute concentration d’œstrogène. Cette modification du comportement sexuel serait due au changement hormonal, et motivée par la conception[4] : en effet, cette augmentation du désir sexuel intervient au moment où la conception est possible, soit juste avant et pendant l’ovulation. D’autres modifications documentées et susceptibles de motiver les comportements sexuels incluent : une importance accrue accordée à l’apparence de soi, ainsi qu’une odeur et un ton de voix plus attirants. Les femmes apparaîtraient ainsi plus séduisantes, plus désirables.

    D’autre part, une concentration élevée de progestérone (phase lutéale) augmente, par exemple, la fatigue et la faim, deux besoins liés à la préparation à une éventuelle grossesse.

    Les changements hormonaux peuvent ainsi expliquer pourquoi certaines femmes peuvent se sentir différentes à différents stades de leur cycle (même si, bien sûr, d’autres facteurs externes rentrent en jeu). Pour comprendre qui nous sommes, il ne faut donc pas se limiter à des raisonnements psychologiques : il est aussi essentiel de prendre en compte les faits biologiques.

    Il est possible que les changements hormonaux soient responsables du syndrome prémenstruel (SPM) dont beaucoup de femmes font l’expérience avant l’arrivée de leurs règles (vous avez peut-être aussi entendu parler du trouble dysphorique prémenstruel, ou TDPM, une forme plus sévère du SPM). Il se manifeste par des symptômes physiques et affectifs. Les symptômes physiques incluent des crampes, des douleurs au dos, des maux de tête, des nausées, de la fatigue, des vertiges, une sensibilité de la poitrine, une prise de poids (liée à de la rétention d’eau), ou encore de l’acné. Au niveau neurologique, on observe : irritabilité, dépression, anxiété, sensation de faim, troubles de la concentration. On ne sait pas exactement ce qui provoque ce syndrome, mais les hypothèses discutées mettent en cause la chute des hormones sexuelles en fin de phase lutéale, et en particulier la chute brutale de progestérone. Les femmes ayant un SPM plus sévère seraient plus réceptives à cette chute. Puisque la cause de ce syndrome demeure sans réponse certaine, il n’existe pas de traitement pour soulager l’ensemble des symptômes. Néanmoins, il est tout à fait possible de soulager certains d’entre eux : la meilleure chose à faire est d’en discuter avec un médecin.

    Sources

    Bull, J.R., Rowland, S.P., Scherwitzl, E.B. et al. 2019. Real-world menstrual cycle characteristics of more than 600,000 menstrual cycles. npj Digit. Med. 2(1): 83. https://doi.org/10.1038/s41746-019-0152-7

    Hedayat, K. M. & Lapraz, J.-C. 2019. Theory of Endobiogeny, Volume 3: Advanced Concepts for Treatment of Complex Clinical Conditions. New York : Academic Press. https://doi.org/10.1016/C2018-0-00958-5

    Hill, S. E. 2019. How the pill changes everything. Londres : Orion Spring.

    Jones, Richard E. & Lopez, Kristin H. 2014. Human Reproductive Biology. Amsterdam : Elsevier.

    Michalowski, M. & Lepage, E. 2018. Quelles sont les phases du cycle menstruel ? Le cycle menstruel ne se limite pas aux règles. Clue. https://helloclue.com/fr/articles/cycle-menstrual/regles-et-cycle-quelle-est-la-difference

    Monard M., Marsh C., Schumacher K. & Nothnick, W. 2018. Secretory phase of menstruation and implantation. Frontiers in Women’s Health 3(4). https://doi.org/10.15761/FWH.1000156


    [1] Il s’agit plus particulièrement de l’estradiol, un œstrogène (il s’agit en effet des œstrogènes au pluriel, qui sont un groupe de stéroïdes).

    [2] Voire plus selon les sources, selon que certains phénomènes (à savoir l’ovulation et la menstruation) soient considérés comme des phases à part entière.

    [3] La phase menstruelle est parfois considérée comme une phase à part entière dans le cycle. Dans ce cas, la phase folliculaire débute à la fin des règles.

    [4] Il faut garder à l’esprit que cette motivation, ici, est strictement biologique, et non pas la traduction d’un réel désir de grossesse.

  • Trigger Warning: Parts of my story can be distressing as it describes a traumatic birth and in particular, an episode of seizure. This is not a positive birth story (if you read it all the way through) so I strongly advise against reading it if you are pregnant.

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    Friday 26th January 2024, 12:55: “It’s a beautiful day to be born”. This is the text I sent to my family group chat along with a photo of a beautiful blue sky after parking at the hospital. As if it would only take a few hours for my baby to come into the world. In reality, it took about 24 hours, which I suppose is not that long for a first baby. I was scheduled for an induction on that day, at 39 weeks, mainly because my baby was measuring big. I had hoped that he (me and my partner knew it was a boy) had come naturally by then but it seems that he was not yet ready to show his face. Before heading to the hospital me and my partner had eaten out, our last meal before becoming parents; I had a huge portion of pancakes to cheer me on – an early reward. It was indeed a beautiful day and I had very much been looking forward to going through the birth experience to meet my baby.

    I fell pregnant in May 2023. On the 18th of May to be precise, and “fallen pregnant” might not be the most accurate description (it implies unexpectedness): I had IVF/ICSI and 18th May was the day one embryo (among two “successful” fertilised eggs) was transferred into my uterus – but this is another story. Despite a few worries I had a relatively smooth pregnancy. I enjoyed growing a little human inside me and I took care of myself as much as I could to grow a healthy baby.

    I was a little nervous about giving birth at the start of my pregnancy, mainly (as many pregnant women are concerned, if not all) about the pain (was it as terrible as it was known to be?) but also because it was an unprecedented, life-changing experience. I got prepared (although I don’t think anyone can be prepared enough to give birth) by learning as much as I could about the different stages of labour to know roughly what to expect and to gain as much control as I could (“knowledge is power”), and about ways to relieve pain.

    I had a clear idea of the birth experience I wished to have: a water birth as calm and relaxed as possible, ideally unmedicated (I especially wanted to avoid the epidural). I familiarised myself with hypnobirthing techniques for a positive birth experience, and spent a lot of time writing my birth preferences to hand to my partner and the midwives. For some reason I was worried I would be forced into making unwanted decisions, and I really wanted my preferences to be respected.

    From the start my pregnancy was considered “high risk” as it was through IVF (how it is categorised depends on the hospital), and I was a little worried that this would compromise my birth preferences although I was informed that ultimately my choices would be respected. Towards the end, my baby was measured above the 97th centile and I was advised to consider a planned birth – induction or caesarean – to avoid the elevated risks associated with large for gestational age (LGA) babies such as shoulder dystocia, emergency caesarean, bad tear… I considered both options and weighed the pros and cons, but in the end I barely hesitated. I still wanted to try and birth my baby vaginally and opted for an induction before full term, which was scheduled at 39 weeks – Friday 26th January at 1pm.

    Pain – it is a very personal experience, how each and every one can handle it. A few years back I had injured my lower back (the injury was probably due to a pinched nerve following a yoga session) which led to the most unbearable pain I had ever experienced in my life at the time. I remember thinking of labour pain as a benchmark (“can it be even worse than this?”) and the thought stayed with me until the day I gave birth. As if the pain I had experienced had prepared me, I was ready to face it again, especially when it wasn’t for nothing – I got to meet my baby. In the end, as I recall it, the intensity of the pain was pretty similar in both contexts, although I have to acknowledge, it is hard to compare physical pain in different contexts and ultimately to fully remember physical pain. The memory of the pain probably changes over time.

    Upon arrival at the maternity unit I was taken into a shared room with 6 beds separated by curtains. That wasn’t the ideal setting but I considered myself lucky enough to be next to a window and to directly receive the natural light of this beautiful sunny day. Me and my partner were in a joyful mood and overall excited. Whilst waiting for the induction to start we were talking and laughing, enjoying the relaxed time together before the unknown. The ward was busy on that day and my induction was delayed. Around 4pm I had a first vaginal examination (VE) to assess where I was at, which I found extremely uncomfortable. I had prepared myself to face the pain but not physical discomfort in this way. My cervix was soft but not quite open yet. I had a first vaginal tablet (prostin) to ripen my cervix (that is, induce labour) and then had to wait for six hours to see how it was progressing. As it is advised, I wanted to move around as much as possible and avoid lying on my back so my partner and I went for a walk around the hospital (it also involved the hospital’s M&S and some cheeky chocolate chip cookies, as if the pancakes weren’t enough…). The day before I had a treatment combining both reflexology and acupuncture to naturally help induce labour, and I like to think it helped as I only needed one tablet: the muscles in my uterus had started tightening and by 10pm I was 1 cm dilated. For a period of time my contractions were even too frequent (what is called tachysystole) so me and my baby were monitored regularly throughout the day. Quite unexpectedly, I couldn’t precisely identify the contractions. I had read about them as waves coming and going, whilst what I was feeling was similar to period pain – a dull, continuous ache with no real peaks of intensity. My heart rate was remarkably slow and it remained as such throughout my labour, which was of surprise to the midwives. “Are you an athlete?” – no, especially not for the past 9 months!

    Around 11pm my partner had to leave the hospital (birth partners weren’t allowed to stay overnight in the antenatal ward) and the possibility that I could go into established labour without him by my side felt scary. I was relying on him for emotional support but also to help create a calm environment: I wanted the lighting to be dimmed and I had brought battery-operated tea lights to place across the room, as well as a small speaker to play the birth playlist I had created for the occasion. But I was left on my own. I knew that it could take a while for labour to start following an induction – many hours or even days, but in my case things moved pretty quickly. After my partner left, I managed to get some sleep until the pain woke me up around 3am. I called the midwives for help but didn’t feel like having another VE: was it worth going through the discomfort again? Would it actually help me to know how many centimetres dilated I was at this stage and how my labour was progressing exactly? Even with gas and air the first two examinations were too uncomfortable and I wanted to defer the next ones as much as I could, or avoid them altogether. I was trusting my body to push whenever it would be ready. Throughout the day I was given some tablets to relieve pain (analgesia, paracetamol and dihydrocodeine), but it was no longer enough. I remember refraining myself from calling the midwives too often as they didn’t seem to think I was ready to be taken to the delivery suite. I was telling myself I had to stay strong and use the natural techniques I had learnt. Around 5am I was offered to run myself a bath in a nearby small bathroom, and I was delighted with the idea: I could already feel the power of hot water wrapping me like a comforting blanket. Sadly, the water temperature wasn’t hot enough to help relieve the pain efficiently and I was a bit disappointed. I was dreaming of a boiling bath like at home! But altogether, the experience was different from what I had in mind: there were no tea lights, no music, and above all, I was on my own. But I remembered my hypnobirthing techniques and focused on my breathing: inhale for 4 seconds, exhale for 8. At this stage, I could handle the pain and felt strong. I had no idea how my labour was progressing, how far along it was: it was still hard for me to distinguish contractions – I still felt a dull pain both in my pelvis and my back. I kept topping up the bath with hot water and stayed there for quite some time. Once back in the bed I was given a TENS machine to try, and it helped for a little while.

    Around 8:30am the pain was getting more intense, and my intuition was telling me it must be time to go to the delivery suite. I agreed to have another VE which was way less painful than the first two, and I was pleased with the progression: I was 9 cm dilated. I had gained 8 cm in 10 hours! I had been in established labour for a little while (it starts when the cervix has dilated to about 4 cm) and felt proud to have stayed calm and contained in the bath, with the help of the breathing techniques from hypnobirthing. My partner was on his way back to hospital and I called him to meet me directly in the labour ward. Just before I was transferred I reached a point where I really wanted the pain to go away, and I asked to have an epidural. I was taken to a birth room on the hospital bed, but as soon as I got there this scenario didn’t feel right anymore. I remembered reading that towards the end of established labour, it wasn’t uncommon to have a wobble and I thought “this is it – that’s exactly where I am and that’s exactly what’s happening.” I remembered my birth preferences and snapped out of the weak state I was in: I couldn’t not try the birth pool, especially when the one and only birth room with a pool was available.

    I was transferred into the room where it was mainly just me, my partner and one midwife the entire time, with doctors visiting for emergencies (my baby’s heart rate dropped several times). I put on the swimsuit top I had bought for the occasion, went into the pool and I felt good. I was trying to stay active, in an upright, forward and open position (as per the hypnobirthing recommendations), using gas and air whenever the pain was getting too much. But just like with the bath I had during the night, I was a little disappointed by the water temperature, not as hot as I had wished. I went out of the pool around 10am – I can’t remember why exactly, perhaps for closer monitoring. Shortly after, I agreed to have another VE: I was still 9 cm dilated. The midwife broke my waters to speed up labour and my contractions then occurred with increasing regularity. I was trying to stay mobile and whilst standing on the edge of the bed, I felt more amniotic fluid coming out. Around noon I was fully dilated, finally.

    In my hypnobirthing book I had read that when it is ready, the body itself pushes the baby out, in an uncontrolled way (or more precisely, the muscles at the top of the uterus push downwards with each contraction). I hadn’t experienced my uterus contracting to open the cervix in a “typical” way, so when I could feel my body pushing it felt somewhat reassuring to experience something I was prepared for. It was the most intense sensation I had ever felt physically in my entire life (and I doubt there will ever be anything to beat this) but I welcomed it, amazed at what my body could do. It was equally arduous and beautiful to experience such a powerful feeling, and nothing will ever compare to it. I told the midwife: “my body is pushing” and she replied, without sharing my excitement, something along the lines of “then let it push”. I wanted to follow the lead of my body and to try and breathe my baby out using breathing techniques, rather than being told when or how to push. Despite the intensity of the contractions I was still trying to keep an ideal position, mainly on all fours. I was also trying to keep in mind that each contraction, however intense, was bringing me closer to my baby. I was just a few minutes, a few hours away from holding him in my arms. At some point (I can’t remember exactly when – 1pm? – or if my body had started pushing yet), the midwife said that her shift ended at 3pm and that by then, she was fairly confident that there would be a baby with us – or at least that’s how I interpreted it. That comment filled me with strength – I was exhausted but the end (or the other side, whatever it was) was within reach. I reminded the midwife that I was expecting an LGA baby and that it may therefore not be a quick delivery, and she didn’t seem to have read it in the notes. My heart rate was still pretty slow, and my blood pressure elevated (154/>72). 

    3pm was getting closer and closer but the end didn’t feel near. The medication I was due to receive (remifentanil) never came, the anaesthetist was busy in theatre. After pushing for some time (perhaps a couple of hours?), all we could see of my baby was the top of his head (at least he was in the ideal (vertex) position for a vaginal delivery). My partner was excited to see his head as it crowned and to catch the first glimpse of what he looked like (it was a very hairy head!) however my reaction was quite different: how could I push for hours just for his head to crown?! How much longer? I had read that once the baby’s head was born then it could be a matter of only a couple of contractions more. But I had a feeling that it wouldn’t be the case. Most importantly, I think my baby was showing signs of distress. A doctor came to help me push and coach me. This time, rather than letting my body work alone, I was also pushing with each contraction. When I could feel them coming to a close, the doctor was encouraging me to continue to bear down longer. It surprised me how much and how long I could push for. I was working closely with my body. But it wasn’t enough. I was exhausted, overwhelmed and scared by the potential negative outcomes (shoulder dystocia, bad tear…). For the first time, I wished everything was over, I wished I could go back and opt for a caesarean. I could no longer do it and I asked the impossible – is it too late for a caesarean? I could see the pity in the doctor’s eyes: “oh sweety, it’s impossible now, you’re too far along.” My baby was too far down in my pelvis. She advised an episiotomy, which for some reason was really the only thing I feared about labour. But at that moment the will to get it over with was stronger than fear. When the anaesthetist finally arrived in the delivery suite he started reading a document to obtain my consent to the procedure, which I was supposed to listen to and agree with throughout the contractions.

    I was taken into theatre around 3.15pm. The lights were bright, there were a lot of people in the room, everything was so far away from the birth preferences I had outlined. Everyone was getting ready and was doing their part. I was given a tablet to increase my blood pressure as per protocol. The information wasn’t relayed that it was already high. The anaesthetist injected the spinal. And then it happened. I knew from the start that something wasn’t right. A throbbing headache came on suddenly; the pain spread to my neck, which was more and more stiff – or was it the other way around? Then I started shivering. I can still see myself on the operating table repeating “what’s going on, why am I shaking”. I was losing control of my body. Everything I had been feeling so far I had welcomed it. But at that very moment, my instinct was telling me that something was wrong, that I shouldn’t be feeling what I was experiencing, and I trusted it. The doctor was trying to reassure me, telling me that it was normal, that it was the effect of the spinal. She asked me if my vision was affected, no it wasn’t, is your vision blurry, no, yes, yes it is, I can’t see a thing any more, I’m panicking. And then nothing.

    I woke up the following day (Sunday) in the intensive care unit, without my bump, and countless intravenous drips in my hands and arms. The nurse was called Adele, “it’s easy to remember, it’s like your middle name”. She smelt nice and my first thought was “are they allowed to wear perfume here?”. She was sweet and reassuring. I couldn’t explain why or how but I knew where I was, and I could feel that my baby was safe somewhere. Was my brain aware of what had happened? Or did my subconscious hear my partner talking to me? He had stayed by my side all night, along with visits to the maternity ward to be with our newborn son, but he was resting in a nearby room when I woke up and the hospital staff couldn’t wake him up. What happened during my stay in ICU is very blurry in my memory. I have flashes – the clock in front of me which was going too slow; the overweight patient on the left and the lady with the bandage all over her face on the right – why were they here?; the curtain that I wanted closed all the time so that nobody could see me in such a vulnerable state. I was given earplugs and an eye mask for some quieter time. A hairbrush. A breast pump to collect colostrum for my baby. A special pillow to support my tummy/wound to ease the discomfort when coughing, which I was encouraged to do to help clear my lungs after being intubated. The blood pressure monitor set the rhythm of the day, starting automatically every 10 minutes. I was exhausted and just wanted to sleep and recover and be strong to meet and look after my baby. Right then I didn’t have the strength for that. I didn’t have the strength to think, to speak, I didn’t have the strength for anything. It’s impossible to organise my memories chronologically, but at some point a doctor was talking to my partner next to me. He asked for details: “was that before or after the seizure?”. That’s how I learnt why I was here. “Did I have a seizure?” It’s like suddenly they remembered I was next to them. In theatre, I had had a seizure that lasted about 5 minutes, following which I had an emergency caesarean under general anaesthetic. My blood pressure went up to 200/110. Eclampsia was presumed so I was given magnesium bolus as per protocol, and I was intubated until the Sunday morning. My body went through a lot whilst I was unconscious in ICU, but here is not the place to tell it, and I wouldn’t rely on my own memory.

    My son was born on the Saturday at 16:05 and weighed 10lbs (4.545kg). He experienced the seizure in utero and had to be pushed back up the birth canal before the caesarean was performed. He needed help to start breathing but thankfully he was healthy. He was admitted to NICU for care whilst I was in ICU with my partner looking after the two of us.

    On the Monday morning I was told that there was a room available for me, my partner and my son in the labour ward; I was ready to be transferred. The nurses were excited for me to leave and meet my son, but the truth is I was still exhausted and wanted to sleep and I was scared – I felt very fragile and I wasn’t sure how I could physically look after my son. I wanted to feel strong and capable to protect him. I was helped to have a shower and get dressed and it all felt strenuous. A nurse pushed my wheelchair around the hospital’s corridors (an absolute maze), whilst someone else was following us with the breast pump trolley. I met my son in the early afternoon, two days after his birth, surrounded by nurses and doctors and my parents who had flown in from France in the morning. Of course I was overjoyed to finally hold him in my arms, but I think I was also a bit numb by everything that had happened and by the fatigue, and the experience was so far away from what I wished – me and my partner holding our son together, just the three of us.

    A couple of nights later we moved into a big room in the postnatal ward (definitely a special treatment). My blood pressure was monitored closely and there were a lot of visits from doctors and nurses. I had to recover from a life-threatening experience whilst learning to be a new mum and trying to breastfeed an insatiable baby. We eventually left the hospital on Friday the 2nd of February, one week after I was admitted.

    I had come into hospital with a couple of copies of my birth preferences, but in the end I never handed them to anyone, for several reasons: I can be self-conscious and didn’t want to appear as though I was telling the midwives how to do their job; I came to think that writing my birth preferences was primarily for me and since I was there, I could control the situation; my partner had familiarised himself with them, and I thought this shared knowledge was enough for me to have my wishes respected. After the birth I regretted not handing them out. I had spent so much time writing them for a reason, and my self-consciousness shouldn’t have got in the way.

    From my reading about birth I had mainly retained one important thing: it was divided into two main stages (I repeat main stages, as I know it is far more intricate than that) – the first stage with strong, more regular contractions (established labour) and the second stage, from when the cervix is fully dilated until the birth of the baby (the pushing stage). When I think about my labour there were indeed two stages, but the boundaries don’t coincide – mine are subjective, based on my own experience. Although far away from what I would have imagined and from my initial wishes (but again, it is such an unpredictable event), the first stage of my labour was a positive, calm, empowering and enjoyable experience (I’m not sure I would have dared to use the last adjective during that first stage, but looking back I surely welcomed what was happening and I would go through it again). It started the moment we parked up in the hospital car park and I looked up at the beautiful blue sky. It ended when I was brought into theatre. That was the start of the second stage of my labour – scary, unexpected, dismissive, and totally out of my control: I didn’t birth my baby vaginally, I didn’t give birth underwater, I wasn’t conscious when my baby was born, and most importantly, I couldn’t hold him or have skin-to-skin contact immediately after the birth. Deferred cord clamping or a gentle/natural caesarean were no option, and I didn’t experience delivering my placenta nor could I see it. Nearly all my wishes were compromised. For the right reasons, of course: to give the best chances possible for me and my baby. But it left a scar.

    This is my story. When I was pregnant I had enjoyed reading (positive) birth stories, thinking I would one day write mine as well. After I gave birth, I kept thinking of doing it but at the same time I kept postponing it – I didn’t have time, it wasn’t a priority. In reality I think I was subconsciously avoiding thinking about the birth. When I was asked by friends or relatives or doctors what had happened (and more precisely, what went wrong), I would let my partner do the talking. After all he knew firsthand given that I was unconscious. I kept asking him the same questions over and over, about the series of events and their chronological order. I was blaming myself and my faulty memory for not remembering. But I actually don’t think I was fully capable of concentrating to remember. It’s like my brain didn’t want to. A few months after the birth I received a report from the hospital detailing the events, and for a while I carefully avoided reading it. And then one day, I realised that it was time for me to stop seeing my experience through someone else’s eyes and to tell my story. It isn’t a fully positive birth story so I haven’t written it with the primary intention to inspire future parents. It is for me, both to remember and in the hope that it will be cathartic; for my family and friends if they wish to know what I have experienced and how I felt; and for them and everybody else who will read and want to have (more) children, there is a broader message: it will never be how you expect; which doesn’t mean it will be worse or better; just different. Be prepared and informed (again, “knowledge is power”), and be ready to adapt quickly.

    They say that when a baby is born, so is a mother. As a matter of fact I am not the person I used to be; I am stronger than ever.

    Thank you for reading.

  • Le jour où j’ai accouché est significatif à mes yeux pour deux raisons : premièrement, il m’a amené à rencontrer la personne qui m’est la plus chère, mon fils, et deuxièmement, je le vois comme le premier événement d’un parcours initiatique qu’est la parentalité. Mon récit de naissance, ci-dessous, repose principalement sur les souvenirs que j’en ai, mais j’ai aussi pioché certains détails dans le rapport que j’ai reçu de l’hôpital par la suite, pour donner un récit plus précis (et la mémoire, parfois, nous fait défaut).

    Avertissement : Certaines parties de mon récit peuvent être difficiles à lire car il décrit une expérience traumatisante, et en particulier une crise convulsive. Ce n’est pas un récit positif (du moins si vous lisez jusqu’au bout) et pour cette raison, je déconseille fortement sa lecture aux femmes enceintes.

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    Vendredi 26 janvier 2024, 12h55 : « Une belle journée pour naître ». C’est le message que j’ai envoyé dans le groupe WhatsApp de la famille, accompagné d’une photo d’un beau ciel bleu, juste après être arrivée sur le parking de l’hôpital. Comme si mon bébé allait venir au monde en quelques heures seulement. En réalité, l’accouchement a duré environ 24 heures, ce qui je pense n’est pas si long pour un premier bébé. Un rendez-vous avait été fixé ce jour-là pour un déclenchement artificiel, à 39 semaines, notamment car j’attendais un « gros » bébé. J’avais espéré qu’il (mon conjoint et moi savions que c’était un garçon) viendrait naturellement plus tôt, mais il devait être bien là où il était. Avant de nous diriger vers l’hôpital, mon conjoint et moi étions allés manger dans un café, une dernière fois avant de devenir parents ; j’avais commandé une énorme portion de pancakes pour m’encourager – une récompense anticipée. C’était effectivement une belle journée et j’avais hâte de vivre mon accouchement et de rencontrer mon bébé.

    J’étais tombée enceinte en mai 2023. Le 18 mai exactement, et « tombée enceinte » n’est peut-être pas la description la plus précise (car elle implique quelque chose d’inattendu) : j’avais eu recours à une PMA (FIV/ICSI) et le 18 mai, un des deux embryons qui s’étaient développés avec succès avait été transféré dans mon utérus – mais ça, c’est une autre histoire. Malgré quelques petits tracas, ma grossesse s’était relativement bien déroulée. J’avais aimé qu’un petit humain grandisse en moi et je prenais soin de moi le plus possible pour qu’il soit en bonne santé.

    Au début de ma grossesse, j’étais un peu inquiète à l’idée d’accoucher, principalement (comme beaucoup de femmes enceintes, voire toutes) à cause de la douleur (était-ce aussi terrible que tout le monde disait ?) mais aussi parce que ça allait être une expérience sans précédent, qui allait changer ma vie pour toujours. Je me suis préparée (même si je ne pense pas qu’il soit possible d’être suffisamment préparé pour ce genre d’évènement) en apprenant le plus possible sur les différentes étapes de l’accouchement pour savoir à peu près à quoi m’attendre et avoir autant de contrôle que possible (« le savoir c’est le pouvoir » dit-on), et sur les différentes techniques pour soulager et gérer la douleur.

    J’avais une idée assez précise de l’expérience que je souhaitais avoir : idéalement je voulais donner naissance dans l’eau, dans un environnement aussi calme que possible, le plus naturellement possible (je voulais en particulier éviter la péridurale). Très vite je me suis familiarisée avec les techniques d’hypnonaissance pour une expérience positive et sereine, et j’ai passé beaucoup de temps à écrire mon projet de naissance détaillant mes souhaits et préférences, pour les partager avec mon conjoint et les sages-femmes. Pour une raison que je ne saurais expliquer, je craignais qu’on me force à prendre des décisions et qu’on m’impose des choses, et je voulais vraiment que mes préférences soient respectées.

    Dès le début, ma grossesse a été considérée « à risque » car j’avais eu recours à une FIV (pour certains hôpitaux en Angleterre, une grossesse par FIV est automatiquement « à risque »), et je craignais que cela compromette mes préférences, même si l’on me disait que dans tous les cas, mes choix seraient respectés. Vers la fin de ma grossesse, on estimait que le poids de mon bébé dépassait le 97ème percentile et on m’avait donc fortement conseillé d’envisager soit un déclenchement du travail soit une césarienne, pour éviter les risques élevés associés aux nouveaux-nés grands pour leur âge gestationnel (GAG), comme une dystocie des épaules, une césarienne d’urgence, une déchirure sévère… J’ai réfléchi aux deux options, pesé les pours et les contres, mais au final j’ai à peine hésité. Je voulais toujours essayer d’accoucher par voie basse, mais j’ai tout de même opté pour un déclenchement artificiel, programmé à 39 semaines – le vendredi 26 janvier à 13h.

    La douleur – c’est une expérience très subjective, comment chacun y fait face. Quelques années auparavant, je m’étais fait mal dans le bas du dos (un nerf avait dû être touché pendant une séance de yoga) et cela avait provoqué la douleur la plus intense que j’avais jamais ressentie de toute ma vie. Je me souviens à l’époque avoir pensé à la douleur de l’accouchement comme un point de référence (« Est-ce que ça pouvait être encore pire que ça ? ») ; une pensée qui m’a accompagné jusqu’au jour de mon accouchement. Comme si la douleur que j’avais vécu m’avait préparée, j’étais prête à y faire face à nouveau, surtout que cette fois ce n’était pas pour rien : j’allais rencontrer mon bébé. Au final, si je me souviens bien, l’intensité de la douleur était assez similaire dans les deux cas, même s’il faut reconnaître qu’il est difficile de comparer la douleur physique dans différents contextes, et de se souvenir complètement d’une douleur physique. Le souvenir de la douleur évolue sans doute avec le temps.

    En arrivant à la maternité, on m’a dirigée vers une grande pièce avec 6 lits, séparés par des rideaux. Ce n’était pas le cadre idéal mais je m’estimais chanceuse d’être à côté de la fenêtre et de pouvoir recevoir la lumière naturelle de cette belle journée ensoleillée. Mon conjoint et moi étions de bonne humeur, et dans l’ensemble impatients. Pendant qu’on attendait que je sois déclenchée, on parlait et on rigolait, profitant ensemble du calme avant l’inconnu. Les sages-femmes avaient beaucoup à faire ce jour-là et mon déclenchement prenait du retard. Vers 16h j’ai eu un premier toucher vaginal pour évaluer où j’en étais, et j’ai trouvé ça extrêmement inconfortable. Je m’étais préparé à affronter la douleur mais pas un tel inconfort physique. Mon col s’était ramolli mais n’avait pas encore tout à fait commencé à s’ouvrir. La sage-femme a inséré un premier comprimé de prostaglandines pour favoriser la maturation du col (c’est-à-dire déclencher le travail), puis j’ai dû attendre six heures pour voir si quelque chose se passait. Comme il est conseillé, je voulais être le plus mobile possible et éviter de rester allongée, et donc mon conjoint et moi avons décidé d’aller faire un tour dans l’hôpital (ledit tour a compris un arrêt au M&S de l’hôpital et un paquet de cookies aux pépites de chocolat, comme si les pancakes n’avaient pas suffi…). La veille, j’avais reçu un traitement combinant réflexologie et acupuncture pour favoriser un déclenchement naturel, et j’aime penser que ça a été bénéfique car je n’ai eu besoin que d’un seul comprimé de prostaglandines : mon utérus a vite commencé à se contracter et à 22h, mon col était dilaté de 1 cm. Pendant un certain temps, mes contractions étaient même trop fréquentes (ce qu’on appelle tachysystolie), donc mon bébé et moi étions surveillés régulièrement tout au long de la journée. De façon assez surprenante, je n’arrivais pas à identifier précisément les contractions. J’en avais entendu parler comme de vagues qui vont et viennent, alors que ce que je ressentais ressemblait plutôt à des douleurs menstruelles –pas trop prononcées et continues, sans véritable pics d’intensité. Mon rythme cardiaque était étonnamment lent et il l’est resté tout au long de mon accouchement, ce qui surprenait les sages-femmes. « Vous êtes sportive ? » – Pas ces 9 derniers mois !

    Vers 23h, mon conjoint a dû quitter l’hôpital (les proches n’étaient pas autorisés à rester après 22h et nous avions déjà bien dépassé la limite) et la possibilité d’entrer dans la phase active du travail sans lui à mes côtés m’inquiétait. C’était mon soutien émotionnel, mais je comptais aussi sur lui pour m’aider à créer une atmosphère favorable et intime, propice au calme : je souhaitais que la lumière soit tamisée et j’avais apporté des petites bougies à piles, ainsi qu’une petite enceinte pour jouer la playlist de naissance que j’avais spécialement créée. Mais j’étais seule. Je savais que la durée du déclenchement pouvait prendre très longtemps – plusieurs heures, voire plusieurs jours, mais dans mon cas les choses ont évolué assez rapidement. Après que mon conjoint soit parti, j’ai réussi à fermer les yeux jusqu’à ce que la douleur me réveille vers 3h. J’ai appelé les sages-femmes mais je n’avais pas envie de subir un autre toucher vaginal : est-ce que la gêne en valait vraiment la peine ? Est-ce que ça allait réellement m’apporter quelque chose de savoir comment progressait exactement mon travail à ce stade, de combien de centimètres mon col s’était dilaté ? Même avec le gaz hilarant, j’avais eu du mal à supporter les deux premiers touchers et je voulais retarder les suivants autant que possible, voire les éviter complètement. Je faisais confiance à mon corps pour qu’il pousse dès qu’il serait prêt. Tout au long de la journée, on m’a donné quelques cachets pour soulager la douleur (analgésie, paracétamol et dihydrocodéine), mais ça n’était plus suffisant. Je me souviens de me retenir d’appeler les sages-femmes trop souvent car elles ne semblaient pas penser que j’étais prête à aller en salle d’accouchement. Je me répétais qu’il fallait que je reste forte et que j’utilise les techniques naturelles que j’avais apprises. Vers 5h, on m’a proposé de me faire couler un bain chaud dans une petite salle de bain avoisinante, et j’étais ravie par l’idée : je sentais déjà le réconfort de l’eau chaude m’envelopper comme une couverture. Malheureusement, j’ai été un peu déçue car la température de l’eau n’était pas assez chaude pour aider à soulager efficacement la douleur. Je rêvais d’un bain brûlant comme à la maison ! Mais dans l’ensemble, l’expérience était assez différente de ce que j’avais en tête : pas de bougies, pas de musique, et surtout, j’étais seule. À défaut, je me suis concentrée sur ma respiration : j’inspirais pendant 4 secondes, et j’expirais pendant 8 secondes, visualisant des images positives, comme préconisé par l’hypnonaissance. À ce stade, j’arrivais à gérer la douleur et à garder le contrôle. Je n’avais aucune idée de l’avancée du travail : j’avais encore du mal à distinguer chacune des contractions – je ressentais toujours une douleur presque continue au niveau du pelvis et du dos. Je suis restée dans le bain un bon moment, remplaçant régulièrement des petites quantités d’eau par de l’eau plus chaude. De retour dans la chambre, j’ai pu tester un appareil TENS, qui a m’a été utile pendant un petit moment.

    Vers 8h30, la douleur s’intensifiait encore et mon intuition me disait qu’il était temps d’aller en salle d’accouchement. J’ai finalement eu un autre toucher vaginal, qui était bien moins douloureux que les deux premiers, et j’étais contente de la progression : j’étais dilatée à 9 cm. J’avais gagné 8 cm en 10 heures ! La phase active du travail avait débuté il y a un petit moment (elle commence au moment où le col est ouvert à environ 4 cm) et j’étais fière d’être restée calme dans le bain, surtout grâce aux techniques de respiration. Mon conjoint était en route vers l’hôpital et je l’ai prévenu de me rejoindre directement en salle de travail. À ce moment-là, j’ai vraiment eu envie que la douleur disparaisse et j’ai demandé à avoir la péridurale. J’ai donc été emmenée dans une des salles de travail, sur un lit d’hôpital, mais dès mon arrivée j’ai changé d’avis. Je me suis souvenue avoir lu que vers la fin de la phase active (ou dans la phase de transition), il n’était pas rare d’avoir un moment d’hésitation et je me suis dit « ça y est, c’est exactement où j’en suis et c’est exactement ce qui est en train de se passer ». Mon projet de naissance m’est revenu à l’esprit et j’ai repris le contrôle sur l’état de faiblesse dans lequel j’étais : la seule salle d’accouchement avec une piscine était disponible, et je me devais d’essayer d’accoucher dans l’eau.

    J’ai de nouveau été transférée, dans une salle de travail spacieuse avec piscine. L’atmosphère ressemblait davantage à ce que je m’étais imaginé, plus intimiste. Pendant une bonne partie de la matinée nous étions principalement trois : mon conjoint, une sage-femme et moi-même (quatre avec mon bébé), avec quelques visites de médecins lorsqu’il y avait une urgence (le rythme cardiaque de mon bébé a chuté plusieurs fois). J’ai enfilé le haut de maillot de bain que j’avais acheté pour l’occasion, je suis entrée dans le bassin et je me suis tout de suite sentie bien. J’essayais de rester mobile et je veillais à rester dans la meilleure position possible pour aider mon bébé à descendre (UFO – upright, forward, open – en hypnonaissance), en respirant dans le masque à chaque fois que la douleur devenait trop forte. Mais comme le bain que j’avais pris dans la nuit, la température de l’eau n’était pas aussi chaude que je l’aurais souhaité. Je suis sortie de la piscine vers 10h – je ne me souviens plus pourquoi exactement, je crois que j’avais besoin d’être surveillée de plus près. Peu de temps après j’ai eu un autre examen : mon col était toujours à 9 cm. La sage-femme a donc percé la poche des eaux pour accélérer le travail, et par la suite mes contractions se sont rapprochées. J’essayais toujours de rester mobile et alors que je me tenais debout, appuyée sur le bord du lit, j’ai senti davantage de liquide amniotique s’écouler. Vers midi, mon col était complètement dilaté, enfin.

    Dans mon livre d’hypnonaissance, j’avais lu que lorsqu’il est prêt, le corps lui-même pousse le bébé vers l’extérieur, de manière incontrôlée (ou plus précisément, les muscles de l’utérus poussent vers le bas à chaque contraction). Je n’avais pas senti mon utérus se contracter de manière « typique » pour ouvrir le col, alors quand je l’ai senti pousser, c’était quelque part rassurant de vivre une expérience à laquelle j’étais préparée. C’était la sensation la plus intense que j’avais jamais ressentie physiquement de toute ma vie (et je doute qu’autre chose viendra la battre), mais je l’ai accueillie, épatée par ce que mon corps était capable de faire. C’était un sentiment puissant à la fois beau et laborieux, que jamais rien n’égalera. J’ai dit à la sage-femme : « mon corps est en train de pousser ! » et elle m’a répondu, sans vraiment partager mon excitation, quelque chose du genre « alors laissez-le pousser ! ». Je voulais me laisser guider par mon corps tout en utilisant les techniques de respiration appropriées, plutôt qu’on me dise quand et comment pousser. Malgré l’intensité des contractions j’essayais toujours de garder une position idéale, principalement à quatre pattes, et sur le côté lorsque j’avais besoin de me reposer. J’essayais aussi de garder à l’esprit que chaque contraction, aussi intense soit-elle, me rapprochait toujours plus de mon bébé. J’étais à quelques minutes, quelques heures de le tenir dans mes bras. À un moment donné (je ne me souviens plus exactement quand – il était peut-être 13h ? – ou si mon corps avait déjà commencé à pousser), la sage-femme a dit qu’elle finissait à 15h et que d’ici là, elle était confiante qu’il y aurait un nouveau-né parmi nous – ou du moins c’est ainsi que je l’ai interprété. Son propos m’a donné beaucoup de force – j’étais épuisée mais la fin (ou l’autre versant, quel qu’il soit) était à portée de main. J’ai rappelé à la sage-femme que mon bébé était « gros » et qu’il y avait donc une possibilité que mon accouchement prenne plus de temps, et elle n’avait pas semblé l’avoir lu dans ses notes. Mon rythme cardiaque était encore assez lent et ma tension artérielle élevée (154/72).

    15h se rapprochait mais la fin ne semblait pas proche. Le médicament qu’on m’avait proposé pour soulager la douleur (rémifentanil) n’arrivait jamais, l’anesthésiste avait beaucoup à faire en salle d’opération. Après avoir poussé pendant un certain temps (peut-être deux heures ?), tout ce qu’on pouvait apercevoir de mon bébé c’était le haut de sa tête (au moins, il était dans la position (vertex) idéale pour un accouchement par voie basse). Mon conjoint était tout excité d’avoir un premier aperçu de ce à quoi il ressemblait (c’était une tête très chevelue !), mais ma réaction était un peu différente : comment pouvait-on seulement voir le haut de sa tête après autant de temps à pousser ? Combien de temps encore ? J’avais lu qu’une fois la tête sortie, le corps suivait très rapidement. Mais j’avais le sentiment que ce ne serait pas si rapide. Et si je me souviens bien, mon bébé commençait à fatiguer. Une médecin est finalement venue me coacher et m’aider à pousser. Cette fois, plutôt que de laisser mon corps faire le travail, je poussais avec lui à chaque contraction. Quand je sentais qu’elles arrivaient au bout, la médecin m’encourageait à continuer à pousser plus longtemps. J’étais surprise de mon propre effort, de voir combien de temps je pouvais continuer à pousser. J’œuvrais main dans la main avec mon corps. Mais ce n’était pas suffisant. J’étais épuisée, abattue et effrayée par les potentielles conséquences (dystocie de l’épaule, déchirure…). Pour la première fois, je souhaitais que tout soit fini, je souhaitais revenir en arrière et choisir la césarienne. C’était trop pour moi et j’ai demandé l’impossible : est-ce qu’il est trop tard pour avoir une césarienne ? Je discernais la pitié dans les yeux de la médecin : « oh ma puce, c’est impossible maintenant, le travail est trop avancé. » Mon bébé était bien trop engagé dans mon bassin pour revenir sur mon choix. Elle a conseillé une épisiotomie, ce qui, pour une raison quelconque, était vraiment la seule chose que je craignais par rapport à mon accouchement. Mais à cet instant, la volonté d’en finir était plus forte que la peur. Lorsque l’anesthésiste est finalement arrivé dans la salle d’accouchement, il a commencé à lire un document destiné à m’informer sur l’anesthésie et obtenir mon consentement, que j’étais censée écouter même en ayant des contractions.

    J’ai été transférée en salle d’opération vers 15h15. Les lumières étaient aveuglantes, il y avait beaucoup de monde autour de moi, tout était si loin de mes souhaits de base. Tout le monde se préparait et faisait son devoir. On m’a donné un médicament pour accroître ma tension artérielle, conformément au protocole avant une rachianesthésie, car elle fait fréquemment chuter la tension artérielle. L’information que la mienne était déjà élevée n’avait pas été relayée. L’anesthésiste injecta l’anesthésiant. Et puis tout a basculé. J’ai su très vite que quelque chose ne tournait pas rond. J’ai commencé à avoir un soudain mal de tête très intense ; la douleur s’est propagée dans mon cou, qui se raidissait de plus en plus – ou était-ce l’inverse ? Puis j’ai commencé à trembler. Je me vois encore sur la table d’opération en train de répéter « qu’est-ce qui m’arrive, pourquoi est-ce que je tremble comme ça ? » Je perdais le contrôle de mon corps. Tout ce que j’avais ressenti jusque-là, je l’avais accueilli. Mais à ce moment précis, mon instinct me disait que quelque chose n’allait pas, que je n’étais pas censée éprouver ce genre de sensations, et je lui faisais confiance. La médecin essayait de me rassurer en me disant que c’était normal, que c’était un effet secondaire de l’anesthésiant. Elle me demanda si ma vision était altérée, non, elle n’est pas altérée, est-ce que vous voyez flou, non, non, si, je ne vois plus rien. Je panique. Et puis plus rien.

    Je me suis réveillée le lendemain (dimanche) dans le service des soins intensifs, sans mon ventre rond, les mains et bras trouées de perfusions. L’infirmière s’appelait Adele, « c’est facile à retenir, c’est ton deuxième prénom ». Elle sentait bon et la première pensée qui m’a traversée l’esprit a été « est-ce qu’ils ont le droit de porter du parfum ici, ça ne dérange pas les patients ? » Elle était douce et rassurante. Je ne saurais expliquer pourquoi ni comment, mais j’avais une idée assez précise d’où j’étais et je savais que mon bébé était sain et sauf quelque part. Peut-être que mon cerveau était conscient de ce qu’il s’était passé ? Ou peut-être que mon subconscient avait entendu mon conjoint me parler pendant la nuit ? Il était resté à mes côtés toute la nuit, en faisant des allers-retours à la maternité pour veiller sur notre fils, mais il se reposait dans une chambre voisine lorsque je me suis réveillée et le personnel de l’hôpital n’avait pas réussi à le réveiller. Mon séjour en soins intensifs est très flou. J’ai surtout des flashs – l’horloge devant moi dont les heures avançaient beaucoup trop lentement ; en face de moi, la patiente en surpoids sur la gauche et celle avec un bandage recouvrant presque tout son visage sur la droite – qu’est-ce qu’elles faisaient ici ? ; le rideau que je voulais constamment fermé pour que personne ne puisse me voir dans un état aussi vulnérable. On m’a donné des boules quies et un masque pour les yeux pour que je puisse me reposer. Une brosse à cheveux. Un tire-lait électrique pour que je puisse tirer mon colostrum pour allaiter mon bébé. Un coussin spécial que j’appuyais légèrement sur mon ventre et ma plaie pour aider à soulager l’inconfort engendré lorsque je toussais, ce qu’on m’encourageait à faire pour que mes poumons se dégagent plus facilement après avoir été intubée. Le tensiomètre rythmait les heures en s’activant automatiquement toutes les 10 minutes pour mesurer ma tension artérielle. J’étais épuisée et la seule chose que je voulais c’était dormir, récupérer et être assez forte pour rencontrer et m’occuper de mon bébé. À ce moment précis, je n’en avais pas la force. Je n’avais pas la force de penser, de parler, je n’avais la force de rien. Il est impossible pour moi d’organiser mes souvenirs par ordre chronologique, mais à un moment donné, un médecin discutait avec mon conjoint à côté de moi. Il demandait des précisions sur ce qui était arrivé : « ça, c’était avant ou après la crise de convulsion ? » C’est comme ça que j’ai appris pourquoi j’étais ici. « J’ai fait une crise de convulsion ? » Et c’est comme si soudain, ils s’étaient rappelés que j’étais là, à côté d’eux. En salle d’opération, j’avais fait une crise convulsive pendant une durée d’environ 5 minutes, à la suite de laquelle j’avais eu une césarienne d’urgence sous anesthésie générale. Ma tension artérielle était montée à 200/110. On suspectait une éclampsie et on m’avait donc administré du sulfate de magnésium, et j’ai été placée sous assistance respiratoire jusqu’au dimanche matin. Mon corps a enduré énormément de choses pendant que j’étais endormie, mais elles n’ont pas leur place ici et je ne me fierais pas à ma propre mémoire.

    Mon fils est né le samedi à 16h05. Il pesait 4,545 kg – c’était en effet un « gros » bébé. Il a vécu la crise convulsive in utero et a dû être remonté dans mon bassin avant la césarienne. Il a eu besoin d’assistance pour commencer à respirer, mais heureusement, il était en bonne santé. Dans un premier temps il a été admis dans l’unité de soins néonatals intensifs, plus parce qu’il n’y avait personne pour s’occuper de lui H24, que parce qu’il avait besoin de soins spéciaux.

    Le lundi matin, on m’a informée qu’il y avait une chambre disponible pour moi, mon conjoint et mon fils dans une des salles de travail ; on était prêt à me transférer. Les infirmières étaient très enthousiastes à l’idée que je rencontre mon fils, mais honnêtement, à ce stade j’étais encore épuisée, j’avais encore besoin de reprendre des forces, et j’avais peur – je me sentais si fragile et je n’étais pas sûre d’être dans les meilleures conditions physiques pour m’occuper pleinement de mon fils. Je voulais me sentir forte et capable de le protéger. Une infirmière m’a aidé à prendre une douche et à m’habiller, et rien que ça était épuisant. Puis nous sommes parties, elle poussait le fauteuil roulant dans lequel j’avais pris place dans les couloirs de l’hôpital (un véritable labyrinthe). Un autre homme nous accompagnait, poussant le tire-lait qui était sur pied. J’ai finalement rencontré mon fils en début d’après-midi, deux jours après sa naissance, entourée d’infirmières, de médecins et de mes parents qui étaient arrivés de France le matin même. Bien sûr, j’étais plus qu’heureuse de pouvoir enfin le tenir dans mes bras, mais je pense que j’étais aussi un peu engourdie par tout ce qui s’était passé et par la fatigue, et l’expérience était si loin de ce que j’avais imaginé – moi et mon conjoint tenant notre fils ensemble, juste nous trois.

    Deux nuits plus tard, nous avons de nouveau été transférés, cette fois dans une grande chambre (une faveur certainement) du service postnatal. Ma tension artérielle était étroitement surveillée et je recevais de nombreuses visites des médecins et infirmières. Je devais me remettre d’une urgence vitale tout en apprenant à devenir mère et en essayant d’allaiter un bébé insatiable. L’injection du sulfate de magnésium dans mes veines les avaient irritées et j’étais persuadée que mon bras gauche était cassé. Nous sommes finalement sortis de l’hôpital le vendredi 2 février, une semaine après être admise.

    J’étais venue à l’hôpital avec quelques copies de mon projet de naissance, mais au final je ne les ai jamais partagées, pour plusieurs raisons : je ne voulais pas avoir l’air de dire aux sages-femmes, comment faire leur travail ; j’en étais venue à penser que j’avais écrit mon projet de naissance pour moi avant tout et que puisque que j’étais là, je pouvais contrôler la situation ; mon conjoint l’avait lu plusieurs fois et en connaissait les grandes lignes (en plus des nombreuses fois où on en avait discuté), et je pensais que cette connaissance partagée suffirait pour que mes souhaits soient respectés. Mais après l’accouchement, j’ai regretté. J’avais passé tellement de temps à les écrire pour une raison bien précise, et j’aurais dû les partager.

    De mes lectures sur l’accouchement, j’avais surtout retenu une chose importante : il se divisait principalement en deux phases (je dis bien principalement, car je sais que l’expérience est bien plus complexe que ça) – la première phase où les contractions s’intensifient et deviennent plus régulières (la phase active de travail) et la deuxième phase, qui commence lorsque le col de l’utérus est complètement ouvert, et se termine à la naissance du bébé (la phase de poussée). Quand je repense à mon accouchement, il y a effectivement eu deux phases, mais les frontières ne coïncident pas : les miennes sont subjectives, basées sur mon propre vécu. Même si la première phase de mon accouchement est assez loin de ce que j’aurais souhaité vivre (mais je le redis, c’est un événement tellement imprévisible), c’était une expérience globalement positive, calme et agréable (je ne suis pas sûre que j’aurais osé utiliser cet adjectif pendant la première phase, mais avec du recul, j’ai certainement accueilli ce qui se passait et le revivrais), requérant une certaine force mentale. Cette première phase a commencé au moment où nous sommes arrivés sur le parking de l’hôpital et où j’ai levé les yeux vers le ciel bleu. Elle s’est terminé lorsque j’ai été emmenée en salle d’opération, qui a marqué le début de la deuxième phase de mon accouchement – terrifiante, imprévisible, affaiblissante et totalement hors de contrôle : je n’ai pas pu accoucher par voie basse, je n’ai pas pu accoucher dans l’eau, je n’étais pas consciente lorsque mon bébé est né, et surtout, je n’ai pas pu le tenir et faire du peau à peau immédiatement après sa naissance. Il n’y a pas eu d’autre choix que de couper le cordon ombilical sans délai, une césarienne naturelle n’était même pas envisageable un instant, et je n’ai même pas pu voir à quoi ressemblait mon placenta. Dans cette deuxième phase, presque tous mes souhaits ont été compromis. Pour les bonnes raisons, évidemment : donner les meilleures chances possibles à mon bébé et à moi-même. Mais tout ça a laissé une trace.

    Voici mon histoire. Quand j’étais enceinte, j’avais aimé lire des récits (positifs) de naissance, et je me disais que moi aussi un jour j’écrirais le mien. Après mon accouchement, je me disais toujours que je devrais le faire mais je le remettais toujours à plus tard – je n’avais pas le temps, ce n’était pas une priorité. En réalité, je pense qu’inconsciemment, j’évitais d’y penser. Quand mes amis, ma famille ou des médecins me demandaient ce qui s’était passé (et plus précisément ce qui c’était mal passé), je laissais mon conjoint répondre. Après tout, il pouvait expliquer mieux que moi vu que j’avais été inconsciente. Je lui posais sans arrêt les mêmes questions, sur la suite des événements et leur ordre chronologique. Je me reprochais de ne pas pouvoir me souvenir, je blâmais ma mémoire qui n’était pas bonne. Mais en réalité, je pense que je n’étais pas pleinement capable de me concentrer pour me souvenir. C’est comme si mon cerveau n’y arrivait pas. Quelques mois après, j’ai reçu un rapport de l’hôpital détaillant les faits, et pendant longtemps j’ai soigneusement évité de le lire. Et puis un jour, j’ai réalisé qu’il était temps pour moi d’arrêter de voir cette expérience à travers les yeux de quelqu’un d’autre et de raconter mon histoire. Ce n’est pas un récit de naissance entièrement positif, et donc je ne l’ai pas écrit avec l’intention d’inspirer de futurs parents. Il est destiné à moi-même, à la fois pour me souvenir de ce que j’ai vécu et en espérant qu’il sera cathartique ; pour ma famille et mes amis s’ils souhaitent savoir ce que j’ai vécu et comment je me suis sentie ; et pour eux et pour tous les autres qui liront et souhaitent avoir des (ou d’autres) enfants, il y a un message plus large : les choses ne se passeront jamais comme prévu ; ça ne veut pas dire qu’elles seront meilleures ou pires ; elles seront juste différentes. Préparez-vous et informez-vous (encore une fois, « le savoir, c’est le pouvoir »), et soyez prêt à vous adapter rapidement.

    On dit que lorsque naît un enfant, naît également une maman. En effet, je ne suis plus celle que j’étais ; je suis plus forte que jamais.

    Merci d’avoir lu.